André Martinez : train inox 1/2
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Souvenirs de Sidi-bel-Abbes

C’est toujours avec une infini tendresse que je regarde les documents sur l’Algérie. Aujourd’hui le documentaire sur I-télé nous présente, comme d’habitude, Alger et Oran en pleine expansion, mais quand cette même caméra pénètre à l’intérieur du pays on  s’aperçoit que les petites villes, les villages ont peu bénéficié de cette expansion et 45 ans après l’ indépendance on trouve  toujours des douars  où l’eau est rare, l’électricité inexistante, sans dispensaire, sans école, juste des enfants qui jouent sur un terrain vague avec une ballon dégonflé. Ces dernières images ont réveillé des souvenirs perdus dans ma mémoire. C’était un jour où je me rendais à Alger pour mes études, et dans ce train appelé « inox », j’ avais réussi à trouver un compartiment vide. J’étais heureux de ce confort qui m’était offert, et me voyais profiter de ma solitude pour m’allonger sur la banquette. Je vivais ce délicieux moment, inquiet aux arrêts du train en entendant au bout du couloir les chocs de la porte, puis la progression des voyageurs

 au bruit de leurs valises cognant dans le couloir et la joie quand les coups de valises s’éloignaient peu à peu. Hélas ça n’a pas duré, la porte s’est brusquement ouverte ruinant mes espoirs d’être seul, et une tête de sportif, cheveux en brosse mâchoires saillantes cria "Françoise…ici c’est bon". Ils s’installèrent, lui énergique, elle, la voix douce et moi qui les détestait d’occuper "mon"compartiment. Par le reflet de la vitre et du coin de l’œil j’épiais leurs gestes, lorsque "mâchoires saillantes" il me dit :
-Alors, jeune homme vous allez à Alger ?
Il me tendait  le calumet de la paix  et nous parlâmes. Mariés récemment et venant de l’Ardèche, il était gendarme et venait d’être muté à Biskra, "voix douce", elle, m’expliqua que lors de la prévisite à Biskra, elle avait visité un Douar ne possédant pas d’école et était excité du crédit obtenu pour ouvrir des classes dans ce douar. Arrivés à Alger, nous échangeâmes nos adresses en nous promettant de nous écrire. On ne le fit jamais.